Sur des plans larges enneigés, un danseur portant des bottes d’hiver et un chandail coloré se déhanche au rythme du bhangra. Le contraste entre les percussions aiguës, la cadence énergisante de la musique traditionnelle pendjabi et le paysage typiquement hivernal est envoûtant.
Popularisé sous son pseudonyme Gurdeep Pandher of the Yukon, le danseur compte près de 200 000 abonnés actuellement. Le secret de son succès ? Parvenir à apporter de la chaleur et de la couleur au plus froid des hivers canadiens avec ses vidéos d’une trentaine de secondes publiées quotidiennement sur Twitter.
Grade 3 students in Whitehorse's Elijah Smith Elementary School braved -28°C temperature and danced Bhangra with me for joy, hope and positivity. We are sharing this pure joy with all school children across Canada and beyond.
YouTube: https://t.co/wvMQfqBxQn pic.twitter.com/zDeYySu6Rc— Gurdeep Pandher of the Yukon (@GurdeepPandher) February 8, 2022
Du Pendjab au Canada
Motivé par son désir d’explorer le monde et d’en apprendre davantage sur ce pays qu’il qualifiait de « pacifique », l’originaire du village de Siahar dans la région du Pendjab, au nord-ouest de l’Inde, est arrivé au Canada en 2006 après avoir complété ses études universitaires au Pendjab.
« La toute première fois que j’ai pensé à aller dans un autre pays, c’est quand j’ai rencontré d’autres étudiants qui avaient l’habitude de parler de différents pays dans le monde », raconte-t-il. Les jeunes étudiants s’entendaient pour dire que « s’ils devaient aller vivre ailleurs, le Canada serait le meilleur endroit ».
Le fait que la communauté pendjabi était assez nombreuse au Canada a eu un poids sur la décision de Gurdeep Pandher de quitter son bercail. « Il y avait déjà une grande population pendjabi ici. Tout le monde au Pendjab a de la famille au Canada, certains ont des frères, des sœurs ou des parents », explique le danseur basé au Yukon depuis 2012.
Les données le confirment. Le recensement canadien de 2016 a révélé que plus de 600 000 personnes d’origine pendjabi résident au Canada. Selon le Commissariat aux langues officielles, le pendjabi est la cinquième langue la plus couramment parlée à la maison à travers le Canada.
Définir l’appartenance
Gurdeep Pandher a acquis la citoyenneté canadienne en 2011. C’était un moment décisif dans le parcours de cet éducateur passionné.
« Lorsque je suis devenu citoyen canadien, j’ai vécu un moment de réflexion », confie-t-il. À la différence d’autres pays, l’Inde ne permet pas la double nationalité, ce qui a forcé le danseur a abandonner sa nationalité indienne.
« Je ne suis pas devenu Canadien à moitié, je suis devenu Canadien à 100%. ’J’ai pensé alors : j’adopte ce pays, ce pays m’adopte aussi, mais, que connais-je de lui ?’ » se rappelle-t-il.
« J’ai donc décidé de voyager à travers le pays pour en apprendre davantage sur sa terre, sa nature, ses régions sauvages, ses cultures, ses gens issus de divers milieux ».
Cette aventure a amené Gurdeep Pandher aux quatre coins du Canada. Originaire d’un petit village en Inde, il ressent l’appel des endroits ruraux du pays. Il inclut ainsi les petites communautés et les régions éloignées dans son parcours.
« Je savais que je découvrirais davantage la culture en visitant les villages et non les grandes villes. Les petites agglomérations, les communautés éloignées et les endroits isolés donnent un meilleur aperçu de la culture locale, de la façon dont les gens font les choses. J’ai visité de nombreux endroits au Canada, parcouru presque tout le pays. J’ai vécu dans des petites communautés, j’ai assisté à leurs fêtes, leurs mariages, leurs célébrations », raconte-t-il.
Sa destination finale a été le Yukon.
Coup de cœur
« Quand je suis arrivé au Yukon, dès le premier jour, j’ai rencontré des gens qui m’ont emmené avec eux à une réunion entre amis », se rappelle le danseur.
« La toute première nuit, j’ai été surpris de voir à quelle vitesse les gens pouvaient accueillir un parfait inconnu. Le lendemain, je suis parti explorer le Yukon. J’ai été étonné par sa nature sauvage, sa faune, ses montagnes et ses lacs. L’idée de m’y établir a commencé à germer dans mon esprit ».
Lorsque Gurdeep Pandher a commencé à publier des vidéos sur sa vie au Yukon, quelques-unes sont devenues virales. C’est ainsi qu’il est devenu une sorte d’ambassadeur du territoire.
« Cela fait 11 ans maintenant que j’habite au Yukon, et ce territoire est devenu une partie importante de ma vie ». Grâce à ses vidéos qui sont devenues virales, « les gens ont commencé à m’identifier comme faisant partie du Yukon, où que j’aille », soutient-il.
Le bhangra, un pont culturel
Bien qu’il soit arrivé dans un pays froid, avec un climat complètement différent de celui de sa ville natale, Gurdeep Pandher n’a pas perdu son amour pour sa danse traditionnelle, au point qu’il s’est consacré à la promouvoir et à partager son art.
Bien qu’il ait dansé toute sa vie, devenir ambassadeur du bhangra « ce n’était pas mon but », explique celui qui qualifie son parcours de « spontané ». « À mon arrivé ici, des gens m’ont invité à donner quelques cours. Beaucoup de gens venaient. Après quelques leçons, ils ont senti la joie, l’unité. À partir de cette expérience, j’ai commencé à réaliser que le bhangra pouvait être un excellent moyen d’éduquer les gens à travers la danse ».
Il a également réalisé que le bhangra « pouvait être un excellent outil pour répandre la joie et la sensibilisation ».
Respect sadness and celebrate joy, that’s how you can be fair with both ends of human emotions, and eventually find peace of mind. From snowy nature around my cabin in the wilderness, I am wishing you a happy Friday and sending joy, hope and positivity. pic.twitter.com/uYGWfk4lAx
— Gurdeep Pandher of the Yukon (@GurdeepPandher) February 11, 2022
L’expérience immigrante
Grâce à ses voyages exploratoires à travers le Canada, Gurdeep Pandher a développé une vision unique du tissu culturel du pays.
« Il y a différents types de personnes qui vivent au Canada », constate-t-il. « Nous avons des Autochtones qui vivent ici depuis des milliers d’années, qui sont les habitants originaux de cette terre. Ensuite, il y a les gens qui ont colonisé cette terre, dont leurs successeurs y vivent toujours. Et puis, en troisième lieu, les immigrants ».
Comme le fait la majorité des nouveaux Canadiens, Gurdeep Pandher a beaucoup réfléchi à l’expérience des immigrants. Il est conscient de leur pluralité et des complexités liées à leur adaptation.
« En tant qu’immigrés, nous vivons une panoplie d’expériences. Parfois, ces expériences sont très enrichissantes, pleines d’amour. D’autres fois, elles peuvent être totalement opposées. Je sais aussi qu’il y a eu de la haine envers les immigrants. En revanche, je connais aussi beaucoup de gens qui ont le cœur ouvert et qui sont très tolérants. Je dirais qu’il faut avoir certaines compétences en tant qu’immigrants pour s’y retrouver ».
L’apprentissage interculturel demeure au cœur du message de cet éducateur et vedette des réseaux sociaux.
« L’apprentissage du pays m’a vraiment aidé à découvrir différentes cultures. Cela m’a permis de comprendre comment je peux rester dans ce pays en favorisant des liens positifs entre des gens d’une grande diversité, qu’il s’agisse d’Autochtones, de personnes qui vivent ici depuis très longtemps ou de nouveaux arrivants ».
Enfin, il recommande à tous les Canadiens de suivre ce parcours d’apprentissage. Le rôle des immigrants est de sensibiliser davantage les gens. Celui de ceux qui vivent au Canada depuis des générations est d’être plus ouverts aux immigrants.
Il partage un dernier message pour les immigrants comme lui: « Le Canada, c’est un pays accueillant. Et je dirais aux autres immigrants : grâce à votre résilience, votre positivité, votre travail acharné, vous avez déjà accompli beaucoup; continuez à faire des efforts pour faire prendre conscience que l’immigration est formidable et que les gens issus de différentes parties du monde qui construisent leurs rêves ici sont des gens merveilleux ».
Il suffit de regarder les vidéos de Gurdeep Pandher pour en voir un bel exemple.