Port Coquitlam, Winnipeg, Québec, Ottawa… Toujours et partout au Canada, le sentiment est le même. Les spectacles de hip-hop du rappeur, compositeur et éducateur franco-ontarien LeFLOFRANCO incitent à la réflexion. À l’image de celui du 21 février dernier, à Port Coquitlam. Un concert dans le cadre d’une tournée d’une dizaine d’écoles secondaires francophones de Colombie-Britannique. Une première pour le musicien ottavien d’origine haïtienne.
Timides au départ, les élèves se sont vite laissés emporter grâce à l’énergie émanant de la scène, où le rappeur, accompagné du deuxième membre de son groupe, DJ Skorpyon, a joué une sélection de chansons qui invitaient à danser et à chanter avec leurs beats irrésistibles de hip hop et leurs paroles motivantes.
L’enthousiasme s’est à peine calmé lors de l’entracte quand LeFLOFRANCO (dit FLO) a invité des étudiants à lui poser des questions. Une occasion pour les jeunes d’apprendre davantage sur le parcours artistique et personnel du musicien, et qui a mis en valeur son côté éducateur.
FLO est né en France de parents haïtiens, mais il a grandi en Ontario, où il est désormais fier ambassadeur de la culture franco-ontarienne. Depuis ses débuts à l’âge de 14 ans, le musicien a été prolifique: il a sorti trois mini albums et deux albums. Son dernier, Trajectoire divine, a été lancé en septembre 2022. En mars 2020, FLO achevait une tournée au moment où la pandémie éclatait.
Comme tout le monde, il a dû faire preuve de créativité pour maintenir le contact avec son public en concevant des spectacles virtuels. Et même si FLO à présenté des concerts devant public en 2021 et 2022, son spectacle à l’École des Pionniers de Port Coquitlam, le 21 février 2023, était son premier devant une foule composée d’élèves du secondaire depuis la pandémie. « Ces jeunes n’avaient jamais assisté à un événement culturel auparavant dans leur école », remarque le rappeur. « Il flottait un vrai sentiment d’appréciation positive dans l’air. Ça se voyait que les jeunes avaient hâte de renouer avec le concret ».
La « noirceur » au premier plan
La pandémie et les événements des dernières années, à commencer par le meurtre de George Floyd aux États-Unis et le mouvement mondial que cela a engendré, se reflètent dans son dernier album, Trajectoire divine. «La mort de George Floyd m’a réellement bouleversé», reconnaît le rappeur avec un ton méditatif. « Et comme le drame est arrivé en pleine pandémie où nous étions tous enfermés à la maison, tout le monde a pu voir pour une fois ce que les gens de ma communauté vivent depuis des décennies. » Il y a vraiment eu un éveil, selon le rappeur. Une prise de conscience qui a suscité des réflexions importantes et des discussions honnêtes, et transparentes aussi ».
La justice sociale est l’une des questions de société que le rappeur avait déjà abordée sur son album précédent intitulé Force inhérente, dans la chanson On en a assez, par exemple, où FLO laisse éclater sa colère : « on en a assez, corruption dans la police, on en a assez ». Puis dans le titre Noirceur absolue, où le texte oscille entre les sentiments de fierté et de colère: « Peu importe what they say. And what they say son? Peu importe what they do. Noir et fier je resterai. Ma noirceur est absolue ».
Pour FLO, la mort de Floyd a non seulement changé le ton de la conversation sur la brutalité policière et le racisme systémique dans la communauté noire, mais dans les autres communautés marginalisées du Canada aussi : la communauté latine, la communauté LGBTQ+, la communauté des Premières Nations. « C’est intéressant de voir comment la nouvelle génération va aborder la question avec leurs parents. C’est le fun d’enfin avoir de vraies conversations. Le fun aussi que de plus en plus de gens souhaitent honorer le vécu de l’ensemble des communautés ».
Un message de fierté
À travers ses paroles engageantes et un son qui rappelle son héritage haïtien, la musique de FLO, qui est aussi jeune père de famille, évoque également l’importance de la représentativité. C’est le message qu’il veut faire passer à son public, en particulier à ses jeunes admirateurs. « Je montre aux jeunes et aux moins jeunes qu’un Franco-canadien peut aussi avoir l’air de ça: un homme noir d’origine haïtienne avec des dreads et un accent franco-ontarien.»
Cette riche identité personnelle, qu’il partage avec tant de Canadiens aux origines multiples, fait partie de tout ce que fait FLO. De sa musique à ses paroles jusqu’à son message aux jeunes étudiants. Pour cela, il a fait appel aux rythmes haïtiens tels que le compas dans Force inhérente, mais aussi dans son nouvel extrait «Ciao. Bye. Au revoir.» Il a aussi puisé dans ses racines les rythmes africains et l’afrobeat; un genre musical originaire du Nigéria qui est un mélange de musique traditionnelle, de jazz, de highlife, et de funk. « La question d’identité est toujours présente dans mon esprit lorsque je suis sur le chemin de la création. Parce que c’est important de rester fidèle à qui tu es, et d’embrasser tout ce qui fait qui tu es.»
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