Pierre Poilievre a adouci son image dans les derniers mois. Le chef du Parti conservateur du Canada axe désormais davantage son discours sur «le gros bon sens» ainsi que la hausse du coût de la vie. Il délaisse les déclarations plus controversées, notamment en soutien au Convoi de la liberté.
Conséquemment, les appuis au Parti conservateur ont bondi partout au pays. L’agrégateur de sondage 338Canada prédit maintenant une victoire conservatrice majoritaire aux prochaines élections. Toutefois, le parti traîne toujours de la patte au Québec (20 %) selon le plus récent sondage Abacus, derrière le Bloc québécois (36 %) et le Parti libéral (28 %).
Les difficultés de Pierre Poilievre au Québec se répercutent-elles dans les communautés culturelles de la province? NCM est allé prendre le pouls dans certaines communautés.
«Le »gros bon sens », ça touche tout le monde»
Filet social détricoté, discours anti-immigration, les craintes initiales des communautés maghrébines à l’égard de Pierre Poilievre se sont atténuées depuis son arrivée dans la course à la chefferie du Parti conservateur, estime Abdelghani Dades, ancien journaliste d’origine marocaine. «On se fait même à l’idée qu’il pourrait devenir premier ministre», dit le cofondateur d’Atlas Média, un organe de presse qui s’adresse aux Maghrébins vivant au Canada.
«Le »gros bon sens », ça touche tout le monde», note M. Dades. Par ailleurs, il observe une grande présence de membres de la diversité dans les événements de M. Poilievre.
En outre, la présence d’Anaida Poilievre, épouse du chef conservateur et Québécoise d’origine vénézuélienne, «est une espèce d’assurance que la xénophobie ne sera pas de mise», explique le journaliste. Anaida Poilievre étant de culture latine comme la plupart des Maghrébins, ceux-ci se reconnaissent dans son discours et sa culture de pensée, ajoute-t-il.
Abdelghani Dades se fait toutefois très prudent dans son analyse. Pierre Poilievre est une « bête politique » qui rend consciemment un discours «le plus passe-partout possible», qui ne dévoile pas ses réelles intentions, selon lui.
«Il ne nous parle pas»
Les conservateurs sont «quasiment absents» sur le terrain dans la communauté sino-canadienne, note Winston Chan, entrepreneur québécois d’origine chinoise. «Les gens ne savent pas qui est Pierre Poilievre. Ceux qui le savent, c’est en raison d’attaques envers la Chine qui ont comme conséquence d’affecter la perception des Canadiens sur les communautés chinoises», dit-il.
Le manque de discernement de ses attaques politiques dans le dossier de l’ingérence étrangère, qui ne faisaient pas distinctions entre le régime chinois et les Sino-Canadiens, ont «créé beaucoup de torts en matière de racisme et de discrimination», déplore-t-il.
«Il ne me ne parle pas. Il ne nous parle pas», croit l’entrepreneur. Pierre Poilievre courtise plutôt «l’homme blanc frustré», selon lui.
Malgré tout, le discours du chef conservateur sur le coût de la vie fait mouche, reconnaît Winston Chan. À l’inverse, son absence de propositions sur l’itinérance, qui afflige particulièrement le quartier chinois à Montréal, pourrait lui causer du tort, croit-il.
«Démagogique et un peu Trumpiste »
«Avec l’inflation et la hausse des taux d’intérêt, les gens cherchent une solution, mais la solution ce n’est pas Poilievre», lance Luis Zuñiga, président de l’Association hispanique et latino-américaine de Boucherville et de la Rive-Sud.
Le Chilien d’origine déplore le discours «démagogique et un peu Trumpiste» de Pierre Poilievre, notamment ses attaques contre les médias. M. Zuñiga craint particulièrement une réduction du financement des organismes communautaires latino-américains.
Par ailleurs, les appuis au Parti conservateur sont traditionnellement faibles dans les communautés hispaniques au Québec, qui cherchent généralement davantage de diversité et d’inclusion dans un discours politique, souligne Luis Zuñiga.
«Le discours de Pierre Poilievre va rendre les riches plus riches et les pauvres plus pauvres, affirme-t-il. Il ne faut pas se le cacher, on est dans les communautés les plus pauvres au Canada.»
Toutefois, l’image de la famille «traditionnelle» que promeut Pierre Poilievre avec sa femme et les enfants résonnent dans la communauté, surtout en comparaison avec Justin Trudeau qui s’est récemment séparé, estime-t-il.
Un discours incohérent
Pierre Poilievre a une volonté assumée d’attirer les communautés immigrantes, notamment en s’entourant de membres de la diversité, mais rien ne démontre que ces efforts portent actuellement fruit au Québec, observe Adèle Garnier, professeure au département de géographie de l’Université Laval.
Pierre Poilievre «part de loin, non seulement dans les communautés immigrantes, mais également au Québec en général», souligne-t-elle. Les immigrants votent moins, et lorsqu’ils le font, c’est plus souvent pour le Parti libéral, précise-t-elle.
Le discours de Pierre Poilievre sur l’immigration – enjeu qui préoccupe généralement les communautés culturelles – est encore «assez vague», poursuit Adèle Garnier. Il dénonce les seuils d’immigration fixés par le gouvernement et les délais bureaucratiques, mais assure être pro-immigration. Il promet également d’accélérer la reconnaissance des diplômes étrangers.
«La défense de la diversité, ce n’est pas évident d’avoir un discours cohérent là-dessus chez les conservateurs, alors que beaucoup de gens [au sein du parti] sont plus en faveur de l’homogénéité», estime-t-elle. Le défi est d’autant plus grand au Québec, où les conservateurs tentent de courtiser des électeurs nationalistes qui ont des intérêts parfois difficilement conciliables avec les communautés culturelles, conclut Adèle Garnier.