En 2021, le Canada a accueilli plus de 401 000 nouveaux résidents permanents. Ce chiffre est le plus élevé de l’histoire du Canada. En effet, tel qu’annoncé récemment par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), « environ 75 % de la croissance de la population canadienne est attribuable à l’immigration ».
Malgré le nombre croissant d’immigrants arrivés au Canada dans les dernières années, leur intégration au marché du travail demeure un grand défi à travers le pays. En effet, une étude du Gouvernement du Canada en 2015 a trouvé « qu’en dépit de leurs qualifications, les immigrants qualifiés sont aux prises avec un sous-emploi endémique ».
Un programme novateur du Collège Boréal en Ontario vise à adresser l’écart entre le potentiel des immigrants et le marché du travail au Canada.
Une intégration socio-économique réussie
D’après Frédéric Boulanger, directeur du campus de Windsor du Collège Boréal, « du point de vue humain, c’est une tragédie de voir que les nouveaux arrivants ne parviennent pas à atteindre leur plein potentiel rapidement » au Canada.
M. Boulanger, accompagné par Baptiste Bourquardez, directeur, services d’immigration au Collège Boréal, a fait une présentation sur le programme lors du 24e Congrès Metropolis, qui s’est tenu du 24 au 26 mars à Vancouver.
Selon les conférenciers, une des principales barrières à l’intégration socio-économique des migrants au Canada est «l’écart entre la promesse et la réalité à l’arrivée ». Confronté ensuite à des barrières linguistiques et à « des attentes irréalisables » des employeurs, le nouvel immigrant perd rapidement sa confiance en soi et dans son potentiel.
Le manque de reconnaissance des qualifications et d’expériences acquises à l’international et la discrimination à l’embauche viennent aussi s’ajouter à ces défis.
La modèle d’intégration socio-économique du Collège Boréal a pour but de garder ou de rétablir la confiance en soi des nouveaux arrivants. Une intégration socio-économique réussie doit « motiver le nouvel arrivant et l’aider à réaliser ses objectifs personnels et professionnels » et doit « l’engager vers l’atteinte de son plein potentiel ». Le sentiment d’appartenance chez le nouvel arrivant et enfin, sa « participation pleine dans la société Canadienne » sont les objectifs finaux de cette intégration.
Catalyser le plein potentiel des immigrants
Un des défis les plus persistants pour les nouveaux arrivants est le besoin d’expérience canadienne pour trouver un emploi. Lors des consultations avec des communautés racisées dans le cadre de la Stratégie canadienne de lutte contre le racisme, un répondant sur dix a mentionné le manque de possibilités d’emploi ou de promotion et un répondant sur vingt a mentionné l’absence de reconnaissance des titres de compétences étrangers ou le besoind’expérience canadienne comme des facteurs ayant contribué au racisme qu’ils ont vécu dans leurs collectivités.
Un rapport du Forum des politiques publiques publié en 2020 a également révélé que les employeurs canadiens continuent d’évaluer incorrectement les diplômes étrangers, ce qui contribue aux taux élevés de sous-emploi chez les communautés racisées et chez les immigrants.
Le modèle d’intervention du Collège Boréal cherche à accélérer l’intégration des nouveaux arrivants en s’attaquant non pas seulement à l’apprentissage de la langue (l’anglais ou le français), mais aussi à ces barrières à l’embauche imposées par tant d’employeurs : le besoin d’une formation ou une éducation canadienne et la fameuse expérience canadienne.
Tel que l’explique M. Bourquardez, le mot clé du modèle est « l’accélération », c’est-à-dire, essayer d’enlever tout obstacle qui pourrait ralentir l’intégration du nouvel arrivant.
Par exemple, le Collège Boréal était un de premiers à retourner aux cours de langues en présentiel après la fin des confinements car leurs recherches avaient montré que les cours en personne étaient plus bénéfiques pour certains clients travaillant sur leur intégration.
Un autre aspect clé du modèle est la façon dont ces trois éléments accélérateurs sont activés en même temps. Les clients suivent une formation langagière mais aussi ils ont la possibilité d’être placés dans des stages ou faire du bénévolat. Le Collège travaille aussi avec des « employeurs champions » qui ont une plus grande ouverture vers l’embauche de nouveaux arrivants.
Modèle novateur
Selon M. Boulanger et M. Bourquardez, le modèle développé par le Collège Boréal est assez unique au Canada. En plus d’être beaucoup plus flexible et diversifié, il est aussi plus ciblé et stratégique que d’autres modèles plus traditionnels.
« La mission que les services d’établissement s’est donnée depuis 30-40 ans n’a pas nécessairement changé. On est encore dans l’optique d’aider pour aider », dit M. Boulanger. « Il faut commencer à faire des interventions stratégiques par rapport aux objectifs d’intégration socio-économique des nouveaux arrivants ».
Le but du Collège est aussi de créer une méthode d’intégration qui peut être répliquée ailleurs. Or, pour ce faire, il faudrait une étroite collaboration entre tous les acteurs du secteur, y compris les services d’établissement, les employeurs, et les établissements d’enseignement.
L’objectif ultime du modèle est de créer des nouveaux leaders qui vont ensuite avoir une influence sur les politiques d’embauche dans leurs organisations.
« Notre rôle, c’est de propulser les nouveaux arrivants pour que rapidement ils puissent aller dans des postes de leadership et qu’ils puissent ensuite changer la façon dont on opère » soutient M. Boulanger avec conviction.
Le modèle fait présentement partie d’une évaluation dans le cadre d’un projet de recherche financé par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) afin de regarder les données probantes et « d’améliorer par l’innovation » la livraison des services d’intégration aux nouveaux arrivants.