Dans le tumulte actuel des débats, politiciens, chroniqueurs, et récemment, économistes, alimentent de vives discussions concernant l’immigration dans les médias et sur les réseaux sociaux. L’intensité des discussions et la polarisation sont si marquées que le parti Québec solidaire appelle à une approche plus mesurée et réfléchie. Un nombre croissant d’opinions lie directement la crise du logement actuelle à l’augmentation significative du nombre d’immigrants au Canada. En effet, pour l’année 2024, le pays s’attend à accueillir pas moins d’un demi-million de nouveaux arrivants.
Récemment, François Legault, le premier ministre du Québec, a adressé une correspondance officielle au premier ministre canadien Justin Trudeau. Dans cette lettre, il demande clairement au gouvernement fédéral de modérer le rythme de l’immigration. En réponse, Justin Trudeau a pris une mesure notable en annonçant son intention de réduire de 35% le nombre d’étudiants étrangers admis au pays, marquant ainsi un tournant significatif dans la politique migratoire canadienne.
Mais que pensent les communautés culturelles issues de l’immigration de cette polarisation ? Le Média des Nouveaux Canadiens (MNC) a consulté des leaders de quatre groupes ethniques au Québec (maghrébin, haïtien, latin et africain). Plusieurs demeurent prudent, pendant que d’autres sont plus acerbes et n’hésitent pas à parler de xénophobie.
« On le vit très mal dans la mesure où l’on se permet de devenir xénophobe », peste la directrice de la Maison d’Haïti, Marjorie Villefranche, « la question du logement le permet aujourd’hui. Alors qu’il s’agit d’un faux problème. »
La Gaspésie n’a pourtant pas d’immigrants.
La crise du logement existe depuis plusieurs années et se manifeste à travers le pays. Or, les deux paliers de gouvernement n’ont rien fait pour la résoudre, fait remarquer Mme Villefranche. De plus, cette situation n’est pas inhérente aux grandes villes qui accueillent habituellement beaucoup d’immigrants comme Montréal, Toronto et Vancouver. Il existe un problème de logement en Gaspésie où le taux de logements inoccupés était à 0 % en 2022, selon la Société canadienne d’hypothèque et de logements (SCHL).
« Pourtant, il n’y a pas d’immigrants à Gaspé », souligne Mme Villefranche. « C’est tellement facile politiquement de dire cela. On fait de la de la petite politique sur le dos des immigrants », ajoute-elle, « c’est permis d’être xénophobe avec cet argument-là. »
Au sein de la communauté africaine, c’est la déception. Chantier d’Afrique du Canada (CHAFRIC), un organisme communautaire qui contribue à la création d’un environnement favorable au développement entrepreneurial, se dit « confus quant à la position du gouvernement du Québec face à cette immigration francophone et professionnelle ».
Le responsable de communication de CHAFRIC, Fédrique Pierre, évite d’assimiler le débat actuel à du racisme. Mais le phénomène n’est pas à écarter selon lui. « On sait qu’il y a une certaine particularité de races qui sont mieux traitées dans leur dossier d’immigration par exemple, on sait que la communauté noire est souvent mise de côté », dit-il.
Santé mentale des immigrants
La directrice du Centre d’aide aux familles latino-américaines (CAFLA), Cecilia Escamilla, indique que les Latinos trouvent le débat très « difficile, comme tous ». « Et cela touche notre santé mentale aussi dans la mesure où les gens ont peur de devoir quitter le Canada », déclare Mme Escamilla en entrevue avec NCM.
« Depuis quelque temps, j’écoute des discours anti-immigrants. Cela me dérange, car à Montréal on est une ville d’immigrants et dont l’économie a été bâtie par des immigrants », ajoute la responsable de CAFLA.
Au sein de la communauté musulmane, on ne semble pas se préoccuper plus que cela du débat actuel et on y va de prudence. Le président du Centre communautaire Annour, Rzik Abdelaziz, appelle plutôt les deux paliers de gouvernement à investir dans la construction de logements.
Interrogé sur le racisme motivant le débat, il estime que ce sentiment n’a rien à y voir.