L’épidémie de VIH connaît une remontée au Canada, avec une « hausse alarmante » de près de 25 % et 1 833 nouveaux cas déclarés de la maladie à travers le pays en 2022, selon la Fondation canadienne pour la recherche sur le sida (CANFAR).
Mais au sein des demandeurs ayant le Québec comme destination, la situation est plus qu’alarmante. De 32 cas en 2021, on est passé, en 2022, à 158 personnes infectées, soit une hausse de 394%. « Ce sont des données alarmantes, mais c’est sur un petit échantillon », relativise le directeur général du Groupe d’action pour la prévention de la transmission du VIH et l’éradication du Sida (Gap-Vie), Joseph Jean-Gilles. Cet organisme travaille depuis 1987 avec des immigrants atteints et à prévenir la stigmatisation notamment.
« Ce n’est pas que dans ces communautés déjà établies, la situation est grave. Non, non » s’empresse de préciser M. Jean-Gilles, en entrevue avec le Média des nouveaux Canadiens (MNC). La plupart de ces personnes infectées viennent de régions du monde comme les Caraïbes et l’Afrique où le VIH est endémique.
Aux fins d’immigration, tous les nouveaux arrivants doivent subir des tests médicaux. Dans la plupart des cas, les gens savaient qu’ils étaient malades. C’est le cas pour Rony Marcélus arrivé au Canada en 2018 comme demandeur d’asile en passant par le chemin Roxham.
Le déni de la maladie
« Je n’étais pas sûr que le Canada allait me recevoir avec le VIH, ce qui fait que je ne l’ai pas déclaré à la frontière, dit-il, lorsque j’ai été faire mon test médical j’ai tout de suite dit au médecin que je suis VIH positif et il m’a dit qu’il va faire le test quand même. »
Atteint depuis 2002, M. Marcélus est aujourd’hui indétectable grâce à une prise en charge tôt. Le virus est donc intransmissible chez lui, ce que les spécialistes appellent « i=i ». Il travaille maintenant avec les personnes atteintes à la traduction, auprès des cliniques et hôpitaux, des avocats, organisme ou encore à obtenir leur permis de travail.
« La plupart d’entre eux ont peur qu’à cause de la maladie, ils ne puissent pas obtenir la résidence, ce qui explique un taux de déni très élevé parmi cette clientèle », indique celui qui est devenu un intervenant chez Gap-Vie.
« Il y en a qui refusent de prendre leurs médicaments et qui feignent de l’avoir pris jusqu’à tomber gravement malade. C’est à ce moment-là qu’ils vont y croire et parfois très en retard », ajoute-t-il. Or, la maladie n’influence en rien le processus d’asile et les médicaments sont gratuits pour les malades à statut précaire ou temporaire.
Certains malades vont sécher des rendez-vous médicaux pour ne pas suivre les traitements et accepter la maladie, observe Rony Marcélus auprès de la clientèle de Gap-Vie. En moyenne, l’organisme accueille à lui seul, plus d’une quinzaine de nouveaux clients chaque année. Ils viennent d’Haïti et de beaucoup de pays d’Afrique.
« Certains croient au fétichisme ou qu’il y a un complot ourdi contre lui depuis Haïti, tandis que d’autres évoquent des agressions sexuelles dans le cadre de la guerre civile chez eux », indique l’intervenant de Gap-Vie.
Le VIH/sida dans le monde
Cette épidémie est la plus meurtrière de l’histoire de l’humanité : elle a déjà fait plus de 20 millions de victimes à travers le monde, et 40 millions de personnes vivent avec le VIH à l’heure actuelle. Au Québec, la maladie est en progression constante : on estime qu’environ 20 000 personnes seraient porteuses du VIH et que 4 500 autres en seraient décédées.
L’Agence de la santé publique du Canada fait état de 1833 nouveaux cas déclarés de VIH en 2022. Ce sont les hommes âgés de 30 à 39 ans qui sont les plus touchés.
La Saskatchewan et le Manitoba sont les provinces les plus touchées, avec 19,0 et 13,0 cas par 100 000 habitants, respectivement. Cette hausse des nouveaux cas n’avait pas été observée depuis plus d’une décennie, indique la CANFAR dans un communiqué.
Le Québec dépasse légèrement la moyenne nationale qui s’élève à 4,7 cas par 100 000 habitants, avec un taux de 4,9. L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) faisait état d’une hausse de 12,7% des nouveaux diagnostics au Québec en 2021. Alors qu’en 2020, 212 cas avaient été dénombrés, ce chiffre est passé à 239 en 2021. Près de six diagnostics (58,2%) sur dix ont été répertoriés à Montréal, durant cette période.
Il y a peu de changements dans les caractéristiques des nouveaux diagnostics. Les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HARSAH) demeurent le groupe de population le plus touché, avec 145 nouveaux diagnostics en 2021. Plus de six nouveaux diagnostics sur 10 sont enregistrés chez des HARSAH. Chez les femmes, les personnes originaires de pays où le VIH est endémique sont aussi touchées de façon disproportionnée (60,5% des nouveaux diagnostics féminins).