En octobre, Maricor Arellano Relanes, 36 ans, célébrait sa première année au Canada.
C’est un concours de circonstances qui l’a mené à quitter ses Philippines natales pour Gaspé : l’annonce d’un poste sur internet, une candidature déposée sans trop y croire… et un projet d’immigration à la clé.
Aujourd’hui réparatrice au sein de la multinationale LM Wind Power, travailler à l’étranger n’a pourtant jamais été un rêve pour elle.
Si elle reconnaît craindre l’arrivée de l’hiver, Maricor Arellano Relanes voit plus loin que le mois de février. « J’apprends à vivre intelligemment, en pensant à mon avenir », dit-elle, « j’économise de l’argent pour acheter une maison », mais aussi une voiture, dont elle compte bien se servir si elle obtient, à terme, la résidence permanente.
Par-delà le recrutement international
À l’image du projet d’immigration de Maricor Arellano Relanes, la communauté philippine de Gaspé commence elle aussi à se s’installer durablement.
En 2018, lorsque LM Wind Power lance ses démarches de recrutement international, la petite ville de 15 000 habitants ne compte que trois personnes originaires des Philippines. Ils sont aujourd’hui près de 300, principalement employés par la branche gaspésienne de l’entreprise, spécialisée dans la fabrication de pales éoliennes. La famille des premiers arrivés commence à venir les rejoindre.
Des démarches pour lesquelles l’équipe de LM Wind Power accompagne ses employés. Elle leur offre également du soutien dans la recherche de logement, le transport, ou encore la francisation. La convention collective a été adaptée pour que les vacances soient suffisamment longues pour justifier les 23 heures de vol qui séparent le Québec des Philippines.
Alors que l’appel aux travailleurs étrangers temporaires (TET) s’est d’abord fait pour répondre aux besoins criants en main-d’œuvre, ils font désormais partie intégrante du tissu de l’entreprise, confirme le directeur des ressources humaines, Marc Frenette.
Briser la solitude
Un mariage qui semble presque parfait, facilité par le choix de LM Wind Power de cibler les Philippines dans sa stratégie de recrutement international. Les démarches administratives sont facilitées, et la « cohésion de groupe », favorisée.
Dans le récit que fait Maricor Arellano Relanes de son arrivée, le soutien de sa communauté est central : « ils sont devenus presque comme de la famille », dit-elle, se souvenant de premiers jours difficiles à Gaspé. « Je n’avais jamais été aussi loin des miens, je me sentais seule, mais avec eux [ses collègues philippins, NDLR], je savais que je serais toujours bien entourée ».
La jeune femme témoigne aussi d’un accueil favorable de la population gaspésienne et des efforts que déploie son entourage québécois pour créer des ponts entre leurs cultures respectives. « Ça m’aide à être moins déprimé du fait d’être loin de mon pays et de ma famille », se réjouit-elle dans un anglais hésitant qu’elle a d’ailleurs hâte de substituer par le français.
Pour l’instant, Maricor Arellano Relanes a dû ralentir son apprentissage de la langue, parce que « malheureusement, notre salle de classe est en rénovation, et je suis en retard pour m’inscrire aux cours en ligne qu’ils nous ont offerts ». « Mais j’étudie par moi-même, deux heures par jour », affirme-t-elle, déterminée.
Une histoire de transmission
Ce jeu d’équilibriste entre ici et là-bas, la préservation de sa culture d’origine et l’adaptation à une nouvelle, Sherwin Dela Cuesta le connaît bien : avant de s’installer au Canada, il a passé quatorze ans en Arabie Saoudite. Un pays qu’il a quitté dans l’espoir de se rapprocher des siens, avant de devoir reprendre la route de l’étranger, en 2019, faute de moyens suffisants aux Philippines pour subvenir aux besoins de sa famille.
Avant la première vague d’embauche à l’international de LM Wind Power, dont il fait partie, les Philippines de Gaspé se comptent sur les doigts d’une main. Mais « elles nous guidaient, nous apprenaient la culture, les lieux, nous accompagnaient de toutes les manières possibles », se souvient-il.
L’aide qu’ils ont reçue de ces ate – grandes sœurs en tagalog- Serwin Dela Cuesta et ses collègues ont voulu la rendre à leurs semblables. C’est ainsi qu’est née l’Association des Philippins de Gaspé, dont il est le fier président.
Premier objectif de l’association : accompagner ses membres dans l’installation au Canada, qui compte environ 960 000 ressortissants des Philippines en 2021, selon les chiffres du gouvernement fédéral.
Sont également organisées toutes sortes d’activités sociales, culturelles, et engagées, d’une ligue de basketball au nettoyage collectif des plages, l’été. Elle coordonne aussi la venue mensuelle, depuis Québec, de camions de livraison d’ingrédients et de prêt-à-manger philippins.
Des liens tissés serrés
« L’Association est aussi un espace dédié à la solidarité », soutient son président et cofondateur.
« Nous faisons de notre mieux pour nous entraider, au sein de la communauté », dit-il, « mais nous voulons aussi aider les citoyens de Gaspé. Nous voulons apporter notre soutien à tous », insiste-t-il.
Depuis plusieurs années, ils organisent des événements de levées de fonds pour « venir en aide aux familles qui en ont besoin, aux Philippines ou ici, en Gaspésie », explique Sherwin Dela Cuesta.
L’an dernier, l’argent récolté est allé aux victimes des typhons qui ont frappé l’archipel. Certains membres de la communauté ont ainsi pu aider financièrement leurs familles et amis restés au pays à reconstruire leurs habitations, endommagées ou détruites par les catastrophes naturelles.
Une façon, pour la communauté néo-gaspésienne, de « continuer à bâtir des ponts ».