Si la croissance économique se poursuit à Moncton, c’est entre autres grâce à la hausse du nombre de personnes immigrantes qui souhaitent s’installer dans la seule ville officiellement bilingue du Canada.
Selon le CBOC, le PIB de Moncton devrait augmenter de 1,7 % en 2023 et de 0,6 % en 2024. Le produit intérieur brut (PIB) mesure la valeur monétaire créée par les biens et services lors d’une période donnée.
La situation favorable de la ville s’explique par une forte croissance démographique. Un résultat de la migration internationale, qui se conjugue à une reprise économique dans la construction, de même que dans le secteur manufacturier, l’administration publique et les soins de santé, comme le relève un communiqué de presse du CBOC.
Alors que les prévisions font état d’une baisse de 1,8 % du PIB par rapport à l’année dernière, Kevin Silliker, directeur du développement économique de la ville, considère ces données positives pour la ville.
« C’est ce à quoi nous nous attendions », dit-il à New Canadian Media.
« Lors d’une période de croissance très intense comme celle que nous traversons, il y a toujours une légère baisse par la suite, dit M. Silliker. Nous ne les percevons pas comme l’annonce d’une pente descendante, mais bien plutôt comme un signe de stabilisation. »
Selon le recensement de 2021, les principaux pays d’origine des personnes immigrantes qui participent à l’augmentation de la population de Moncton sont les Philippines, l’Inde, le Nigeria, la Syrie, la France, la Chine, le Maroc, l’Ukraine, le Vietnam et la Corée du Sud.
L’immigration francophone joue un rôle clé dans la stratégie d’immigration.
John Wishart, directeur général de la Chambre de commerce du Grand Moncton, croit que le bilinguisme représente un aspect essentiel à la croissance économique de la région.
« Le nombre de francophones de naissance connaît une légère baisse et il incombe à la région d’attirer des francophones d’autres pays », souligne M. Wishart.
« Notre stratégie d’immigration locale a pour objectif d’atteindre 30 % d’immigrants francophones, dit-il. Nous n’en sommes pas encore là, mais nous avançons à grands pas en ce sens et notamment avec la création par le gouvernement fédéral d’un centre d’immigration francophone à Dieppe. »
Selon le rapport du CBOC, les prochains mois devraient être marqués par une croissance modérée puisque l’inflation et la hausse des taux d’intérêt pèsent sur l’activité des consommateurs dans la plupart des villes canadiennes.
Le rapport estime à 1 360 les emplois créés lors de l’année 2023, ce qui représente une augmentation de 1,6% par rapport à 2022.
Taylor Gadde, chargé de communication pour le CBOC, indique que l’organisme ne produit pas de rapports pour les villes de Fredericton, Saint-Jean de Terre-Neuve et Charlottetown, alors qu’un autre rapport – qui devrait paraître d’ici un mois ou deux – exposera les données relatives à Halifax.
Selon le CBOC, la population de Moncton devrait augmenter de 3,4 % en 2023 et ceci « grâce à l’augmentation de la migration internationale », après une hausse majeure de 6,1 % en 2022.
Selon M. Silliker, la stratégie de la ville en matière d’immigration prévoit entre 2 400 et 3 500 arrivées par an à Moncton.
« Au cours des dernières années, nous sommes parvenus à atteindre et même dépasser ces objectifs. »
M. Silliker indique qu’avant le boom démographique actuel, Moncton accueillait environ 2 000 personnes par an, chiffre qui a bondi jusqu’à 8 000 avant de se stabiliser autour de 3 500.
Dans une interview accordée en mai, la mairesse Dawn Arnold explique que les nouveaux arrivants et les étudiants choisissent Moncton pour les possibilités économiques et les avantages qu’elle offre : temps de trajet réduits, coût de la vie relativement abordable et communauté accueillante.
En termes d’infrastructures, M. Silliker croit que la ville répond aux besoins de la communauté et parvient à s’adapter à la croissance de la population.
« Il ne fait aucun doute qu’il y a des tensions liées à l’habitation, mais les gens trouvent des logements. »
M. Silliker soulève qu’il n’est pas rare que deux personnes qui vivaient seules aillent maintenant s’épauler en choisissant la colocation et que de nombreuses familles multigénérationnelles partagent un même toit.
« Je ne dirais pas que tout est parfait dans ce domaine, mentionne-t-il. Nous avons besoin d’une croissance accélérée en matière de développement résidentiel et il y a beaucoup de construction, ce qui est positif. »
Il souligne que la ville réalise des études et présente des demandes à d’autres paliers gouvernementaux afin de trouver des solutions et développer une plus importante offre de logement dans la région de Moncton.
Une voie d’avenir pour l’Acadie
« Il y a de grands progrès qui s’imposent afin que l’immigration francophone devienne une voie d’avenir pour l’Acadie, note Romain Blanchard, graphiste à Moncton. C’est une piste intéressante et qui exige de plus grands moyens. »
Propriétaire de l’agence de design Atelier 46, M. Blanchard raconte qu’il s’agit d’un coup de foudre avec la culture acadienne qui l’a conduit il y une quinzaine d’années à s’établir à Moncton. Issu d’un parcours d’immigration, le graphiste s’est épris de la richesse de la culture francophone propre à l’Acadie.
Originaire de France, M. Blanchard représente lui-même un exemple d’intégration au Nouveau-Brunswick.
Il s’affirme aujourd’hui comme un défenseur de l’Acadie.
« On établit des ponts au plan économique et culturel, dit-il. Il y a une richesse qui vient de l’échange interculturel avec les personnes immigrantes. »
À son avis, la hausse de l’immigration constitue une aubaine. « Si la principale langue d’usage et de travail demeure l’anglais, plusieurs personnes immigrantes francophones vont se tourner vers cette langue, dit-il. On doit maintenir un contexte favorable à l’essor du français. »
Combat politique
Le gouvernement fédéral a fait en 2021 l’annonce de l’implantation d’un centre d’immigration francophone à Dieppe. L’initiative présentée comme déterminante se trouve en ce moment dans un état de léthargie, comme le révélait la semaine dernière un reportage de Radio-Canada.
L’institution dotée, d’entrée de jeu, d’une enveloppe de 13 millions de dollars devait ouvrir ses portes en 2023 et compter entre 30 et 40 employés, afin d’offrir des services aux personnes immigrantes.
Après deux ans, le centre n’est pas encore ouvert au public.
Il emploie présentement six employés et il ne présente aucun signe d’activités en cours ou en préparation, selon Radio-Canada.
M. Blanchard voit cette situation comme un signal d’alarme.
« Il appartient à la société de faire du français une priorité, dit-il. C’est de cette manière qu’elle peut en devenir une pour les personnes immigrantes. »
Le graphiste s’indigne de la persistance d’une idéologie opposée au français.
« Le premier ministre du Nouveau-Brunswick parle seulement anglais et fait la promotion de l’unilinguisme anglophone, soulève M. Blanchard. Il s’agit d’un combat linguistique actuel et il appelle à une réflexion collective. »
L’Acadie compte aujourd’hui environ 300,000 personnes qui parlent français dans les provinces des Maritimes.
Marquée au XVIIIe siècle par une déportation massive résultant de la prise de pouvoir des Britanniques en Nouvelle-France, l’histoire de la nation acadienne se distingue par sa résistance à l’assimilation et par son rayonnement culturel.
« Nous devons composer avec d’importants enjeux socioculturels, note M. Blanchard. Ces enjeux impliquent des solutions politiques. »
Michael Staples est correspondant de New Canadian Media à Fredericton, au Nouveau-Brunswick. Cet article a été produit dans le contexte d’un partenariat de SaltWire avec New Canadian Media.