Pourquoi les travailleur·euse·s agricoles saisonniers quittent chaque année famille, maison, et patrie pour venir cultiver des terres étrangères? Qui sont ces personnes et quelle est leur vie en dehors du Canada?
La réalisatrice Mexicaine, Karla Meza, y répond subtilement dans son dernier documentaire plein de poésie, Nu Ulew. En suivant Pablo Nimamac de retour dans son pays, elle nous fait découvrir la vie de ce travailleur guatémaltèque. Elle nous présente cet homme fier de cultiver sa terre natale et de subvenir aux besoins de sa famille grâce à l’argent amassé par son dur labeur au Québec.
« À travers mon documentaire, j’ai voulu montrer l’autre côté de la médaille de la vie d’un travailleur agricole saisonnier », déclare la réalisatrice.
Manque de reconnaissance
L’idée de réaliser Nu Ulew a germé dans la tête de Mme Meza au cours de ses commissions au supermarché. En effet, elle y rencontre souvent des travailleur·euse·s agricoles saisonniers qui font leurs courses avant de retourner à la ferme.
En réalisant ce documentaire, Mme Meza raconte avoir voulu leur redonner une voix en même temps que leur humanité.
« Peu de personnes s’intéressent véritablement à l’humain qu’il y a derrière cette personne qui ramasse des légumes pour nous, à genou et à un salaire minimum », déclare-t-elle avant de continuer. « On les voit à la télé seulement quand il y a des problèmes et bien souvent on n’interroge que les producteurs agricoles ».
Dans son documentaire, Mme Meza montre que les travailleur·euse·s ne viennent pas au Canada par choix mais par survie. Plusieurs protagonistes, abîmés par le rythme très soutenu du travail qu’ils doivent fournir au Canada, n’attendent qu’une chose: de ne plus avoir à repartir. « C’est une immigration forcée. Personne ne choisit de venir s’enfermer dans une ferme six, huit mois tous les ans, s’il ou elle a les mêmes opportunités dans son pays. Tous les bénéfices sont pour ceux et celles d’ici ».
Elle pointe ainsi du doigt le manque de reconnaissance du Canada envers ces travailleur·euse·s, piliers de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. « La pandémie nous a montré qu’il y a un certain danger à ce qui ait un manque de la main d’œuvre dans les champs – c’est toute une industrie qui s’écroule », rappelle-t-elle avant d’ajouter « Pablo Nimamac est une personne qui mériterait bien mieux que ce qu’on lui offre ».
Aucune protection
Mme Meza, qui a rédigé un bon nombre d’articles sur le sujet, rappelle qu’aucune structure juridique contraignante n’encadre les conditions de travail des travailleurs agricoles saisonniers. Seules des recommandations sont émises par le gouvernement. Les producteurs agricoles sont tenus de les respecter, ou non.
Ce manque d’encadrement favorise des abus tels que l’insalubrité des logements, des journées de travail excessivement longues ou encore de violence physique et du harcèlement. Et la pandémie n’a fait qu’aggraver la situation. Le manque d’espace dans les logements a notamment favorisé l’éclosion de COVID-19 dont plusieurs travailleurs sont décédés. Selon Mme Meza, certains employeurs ont également brimé les droits fondamentaux des travailleur·euse·s en les interdisant de sortir de la ferme.
« Tant que le gouvernement mexicain et guatémaltèque n’exigent pas de meilleures conditions pour leurs citoyens, le gouvernement canadien ne va pas agir car malheureusement il n’a pas à cœur le bien-être de ces gens », déplore la journaliste.
Récemment, un système a été mis en place pour permettre aux travailleurs de porter plainte en cas d’abus. Mais dans les faits, ce n’est pas si simple, estime Karla Meza. La barrière de la langue et la peur de perdre leur emploi empêchent souvent les travailleurs de dénoncer leur employeur. Et à raison: « J’ai parlé avec des travailleurs qui ont porté plainte et comme par hasard, l’année d’après, le recruteur leur a dit que les employeurs n’avaient plus besoin d’eux », raconte-t-elle.
Des finances au documentaire
Il y a quelques années en arrière, Karla Meza ne se serait jamais imaginée dans l’univers du documentaire et des médias. Arrivée au Québec en 1995 depuis le Mexique, son pays d’origine, la réalisatrice travaille dans le domaine financier, de la formation et en entrepreneuriat pendant plus de vingt ans. En 2016, un accident d’automobile la pousse soudainement à tout remettre en perspective. Elle se remémore sa passion de jeunesse, le journalisme, et décide de sauter le pas.
De retour à l’école, Mme Meza entame un certificat en journalisme à l’Université de Montréal. « C’était la meilleure décision de ma vie », livre-t-elle au New Canadian Media. Dans le cadre d’un cours sur le vidéo journalisme, elle décide de partir au Liban tourner son tout premier documentaire sur des réfugiés syriens. « Ça m’a vraiment donné la piqûre du documentaire! Grâce à ce film, j’ai pu montrer de quel bois je me chauffe », confie-t-elle avec détermination.
Elle obtient ensuite une bourse Netflix pour étudier à l’Institut National de l’Image et du Son (INIS) dans un programme de réalisation documentaire. En parallèle, elle continue sa voie dans le journalisme. À ce jour, Mme Meza a écrit pour divers médias québécois dont Le Devoir, Ricochet et Crónica Norte.
« Clin d’œil à l’autochtonie »
Le titre du court-métrage Nu Ulew signifie, en langue Kaqchikel, « Ma terre ». En arrière-fond du documentaire, on y découvre en effet cette présence autochtone – les Kaqchikels, une communauté maya à laquelle fait partie Pablo Nimamac et les membres du village dans lequel a été tourné le documentaire.
Dans ce court-métrage, ponctué par des scènes en Kaqchikel, le travailleur agricole présente fièrement un avant-goût de sa culture autochtone, en nous amenant sur des ruines maya. Le documentaire se conclut en toute beauté avec une chanson guatémaltèque, interprétée par deux enfants prodiges Kaqchikel, Yahaira et Pedro Eduardo Tubac.
La réalisatrice raconte avoir voulu faire « un clin d’œil à l’autochtonie ». Elle estime que beaucoup de parallèles peuvent être faits entre la situation des autochtones latino américain·e·s et canadien·ne·s. « En Amérique Latine, on exclut aussi les autochtones. On leur interdit de parler et d’enseigner leurs langues par exemple », confie-t-elle.
L’autochtonie est un sujet qui tient à cœur la réalisatrice qui souhaite leur donner voix au chapitre. « Montrer un autochtone latino-américain au cinéma ça n’arrive pas tous les jours », souligne-t-elle sans cacher son ironie. Mme Keza prévoit également de faire une série documentaire d’une douzaine d’épisodes qui portera sur les autochtones latino americain·e·s qui viennent immigrer au Canada.
Nu Ulew se clôt magnifiquement sur une phrase lourde de sens prononcé en Kaqchikel par Pablo Nimamac: « Mon cœur reste ici, dans ma terre, pendant que mes mains cultivent des terres lointaines ».
Le documentaire, sélectionné au festival Rendez-vous Québec Cinéma, est désormais disponible sur http://monthlyindieshorts.com/nu-ulew/ jusqu’au 15 mai. Le film a également été sélectionné dans la programmation du 7ème Inca Imperial International Film Festival (FICII) au Pérou et sera disponible du 12 au 15 mai sur https://festivalficii.wixsite.com/incafestival/screening-2022.
Note de la rédaction: Dans une version antérieure de cet article, nous avons décrit Karla Meza comme ayant travaillé dans le domaine financier pendant 20 ans. Elle a travaillé dans le domaine financier, de la formation et en entrepreneuriat. Nous avons aussi apporté une correction aux médias auxquels elle a travaillé en tant que journaliste.
bonjour j;ai honneur de vous informer le travaux agricole session m;intéresse beaucoup madame monsieur veuillez agréer est LMIA nettoyage général agrifood