On ne les compte plus. « J’ai eu un refus automatique »; « J’ai eu trois refus, je m’apprête à relancer ma quatrième demande »; « J’ai été admis à Moncton, j’ai fait un bon dossier, mais ma demande a été refusée, avec comme seul motif la raison de ma visite », nous écrivent plusieurs candidats au permis d’études.
Les refus dits « automatiques » sont nombreux. Ils sont appelés ainsi, car les demandes de permis d’études sont rejetées rapidement pour un motif qui n’aurait rien à voir avec le dossier.
Adam, ancien étudiant au DEP a fait huit tentatives de tentatives de permis d’études (13 en comptant les autres visas) avant d’être accepté avec un visa de visiteur la quatorzième fois. Il a parlé à NCM sous le couvert de l’anonymat. « J’ai eu l’idée de venir au Canada en 2008. En Algérie, à cette époque, on avait peu accès à internet et aux informations », explique-t-il. Déterminé, il a fait ses demandes à tâtons, corrigeant son dossier en fonction des raisons de refus. Il a fini par être accepté dans un DEP dans son domaine et aujourd’hui, il dédie son temps libre à aider les étudiants ou les candidats à l’immigration.
Régulièrement, des chiffres montrent que tous les étudiants ne sont pas égaux pour obtenir un visa étudiant. Pour les ressortissants d’Algérie, du Nigeria, du Cameroun, du Pakistan, du Népal ou encore de République démocratique du Congo, le taux de refus dépassait les 70 % durant le premier semestre de 2019, selon des données d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC).
Les motifs de refus les plus communs
Quand sa demande est rejetée, on reçoit une lettre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) énumérant rapidement la ou les raisons du refus selon le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. « L’agent doit cocher différents motifs pour justifier son refus », détaille Coline Bellefleur, avocate spécialisée en immigration. Parmi les critères se trouvent : des preuves insuffisantes de moyens financiers, une autre intention que les études, des documents douteux ou peu cohérents et surtout l’intention de quitter le Canada après les études.
Comme devant l’agent aux frontières à l’aéroport, la demande de permis d’études doit démontrer que l’étudiant vient seulement pour étudier et obtenir un diplôme canadien. Expliquer que l’on veut rester peut d’ailleurs entraîner un refus de visa et d’entrée.
« Une raison revenait à chaque fois pour moi et pour tous les autres : l’intention de revenir dans le pays d’origine. Alors que l’on fait un visa d’études, c’est incohérent », explique Adam. Un motif lié à l’idée que la personne n’a pas assez de perspectives d’emploi dans son pays d’origine ou les moyens financiers suffisants pour subvenir à ses besoins durant son séjour.
Contacté pour comprendre comment sont acceptés et refusés les demandes de permis d’études, Rémi Larivière, porte-parole d’Immigration Canada, nous a répondu par courriel que « les demandes de visa sont évaluées au cas par cas ». Chaque demande est traitée « en fonction des mêmes critères tel qu’énoncé dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés », a précisé M. Larivière.
Racisme systémique ?
« Je pense qu’on peut clairement voir cette problématique sous l’angle du racisme systémique, particulièrement au Bureau des visas à Paris », dénonce Coline Bellefleur. C’est au bureau d’IRCC à Paris que sont traitées les demandes de permis d’études venant de la France, mais aussi d’Algérie.
Durant l’année 2019, les étudiants algériens avaient en moyenne 80 % de chances de voir leur demande de permis d’études refusée, selon un document d’IRCC. Comparativement, les demandes émanant de la France ont un taux moyen de refus de 10, 5 %. « Ce n’est pas vrai que tous les étudiants français sont stables financièrement. Cela ne vient pas d’une qualité des dossiers. Certains dossiers refusés [d’Algériens] sont solides », dénonce Mme Bellefleur.
Mais le Bureau des visas de Paris n’est pas le seul en cause. « La plupart des ressortissants dont la demande est refusée viennent des pays francophones. Et ils se dirigent souvent vers le Québec, pour la langue », explique Coline Bellefleur sans s’avancer précisément. C’est à l’étape fédérale que les demandes bloquent, un problème déjà soulevé en mars 2020 dans La Presse.
Pour Mme Bellefleur, c’est toute la culture d’analyse des dossiers qu’il faut revoir. « Il faudrait faire des formations aux agents, revoir la façon dont ils abordent les dossiers, car cela crée des dommages chez les gens », pense-t-elle. Nous avons demandé à IRCC si les agents étaient évalués, mais il n’a donné aucune réponse.
Une solution : contester un refus
Dans sa pratique, Coline Bellefleur se spécialise sur les demandes de permis refusées et leur contestation. Si son dossier est refusé, il est encore possible de faire une demande d’accès à l’information pour obtenir des raisons plus précises. « L’agent qui juge le dossier doit normalement laisser des notes pour se justifier », explique Mme Bellefleur. Il est ensuite possible de contester la décision en cours.
Souvent, cette justification est faible, si bien que le jugement a de grandes chances d’être en faveur du demandeur. « Mais il faut le savoir et il faut aussi en avoir les moyens », reconnaît Mme Bellefleur. Les frais d’avocat pour une telle démarche peuvent atteindre plusieurs milliers de dollars. « Sinon, on peut déposer autant de demandes de permis que l’ont veut, mais c’est beaucoup d’énergie et de ressources financières », poursuit l’avocate.
Une idée sur laquelle Adam insiste fortement : « Si j’ai réussi à venir après 13 refus, tout le monde peut y arriver. Aujourd’hui j’ai accompli mon rêve, je travaille dans mon domaine et je me suis installé au Canada ».
Fort de son expérience de soutien et d’accompagnement auprès des travailleurs et des étudiants étrangers, il recommande surtout de faire attention aux informations que l’on peut trouver sur internet. « Si tu veux des informations fiables, il faut aller sur les sites officiels, le MIFI, IRCC. Il faut faire attention aux influenceurs sur YouTube qui ne disent pas les vraies choses », met-il en garde. Seuls les demandeurs eux-mêmes ont pour lui les moyens d’y arriver, en étant préparés à la vie au Québec, loin des rumeurs.
Cet article est la deuxième partie d’une série sur les discriminations envers certains étudiants étrangers. La première partie traitait des refus aux frontières du Canada.