Saint-Jérôme, la ville la plus verte au Canada et perçue comme raciste par certains, a désormais une Noire comme mairesse suppléante depuis environ un mois. Carla Pierre-Paul, d’origine haïtienne, a été désignée par le maire Marc Bourcier pour le seconder, représenter la Ville auprès de la Municipalité régionale de comté (MRC) et des partenaires. Après Sherbrooke, avec Raïs Kibonge, c’est la deuxième personnalité politique noire à occuper une telle fonction au Québec.
« C’est tout un honneur de représenter la population et être mairesse suppléante est un double honneur de représenter la Ville auprès de différents partenaires ou de la MRC », réagit Mme Pierre-Paul en entrevue avec le Média des nouveaux Canadiens (MNC).
« Une nouvelle qui me rend fébrile et une étape qui me rend agréablement fière de franchir dans mon parcours en politique municipale. C’est avec grand plaisir que j’occuperai la fonction de mairesse suppléante de la ville de Saint-Jérôme », écrit-elle sur les réseaux sociaux à la suite de sa nomination.
Il y a une petite communauté noire, rappelle Mme Pierre-Paul en entrevue avec MNC, contrairement à Montréal. Elle voit sa présence à la mairie comme une « belle opportunité » pour sa communauté.
Née à Montréal, Carla Pierre-Paul, 37 ans, habitait Saint-Jérôme depuis à peine un an lorsqu’elle s’est lancée en politique en 2021 pour briguer le District-5 de la ville. Elle s’est rapidement créé un réseau de contacts qui lui a permis de se présenter en politique.
Un « raciste » a voté pour elle
Depuis 5 ans qu’elle habite à Saint-Jérôme et qu’elle y travaille parallèlement comme enseignante, Mme Pierre-Paul affirme qu’il s’agit d’un « endroit très accueillant, ouvert », en dépit de la perception ou de situations contraires qui pourraient se produire.
« Si c’est pour qu’on parle de racisme, c’est partout. Je dirais même que c’est entre nous. Il faudra regarder cela dans plusieurs aspects », argumente la mairesse suppléante qui reconnaît en avoir vécu elle-même.
« Pour moi personnellement, si je vous disais que je n’ai jamais vécu du racisme, ce serait vous mentir que ce soit à Montréal ou à Saint-Jérôme », confie la jeune politicienne en entrevue à MNC. Au cours de la campagne de 2021, elle dit être tombée sur un citoyen qui le lui a dit sans détour : « Moi je suis raciste envers les Noirs ».
L’ironie du sort, c’est que cette personne a finalement voté pour elle lors des élections. L’homme voulait lui expliquer pourquoi il était raciste et elle lui a tendu l’oreille.
« J’étais préparée. On ne va pas se mentir, à Saint-Jérôme, il n’y a pas une communauté noire nombreuse. Ces genres de situation pouvaient arriver, je m’y attendais, dit-elle, je lui ai tendu l’oreille, il a été très étonné de ma réaction et j’ai eu un vote de sa part. »
Solidarité envers les victimes de racisme
Mis à part cet épisode survenu lors de la campagne électorale, la conseillère municipale dit ne pas avoir vécu du racisme dans le cadre de sa fonction contrairement à d’autres politiciens noirs sur le plan municipal.
L’actuel maire suppléant de Sherbrooke, Raïs Kibonge, 38 ans, s’est déjà fait traiter de « misère noire qui arrive » dans la ville à travers les médias locaux par un citoyen alors qu’il venait d’accéder à cette fonction. Il vient de remplacer de surcroît, lundi dernier, Danielle Berthold à la présidence du Conseil municipal.
M. Kibonge dit avoir pris cela avec philosophie, grâce à son expérience et, malgré que la police voulait enquêter, il n’en a pas donné suite. « Mais les gens de mon équipe étaient choqués, disant comment quelqu’un peut écrire cela… Je leur dis : « Ben… alors, bienvenue dans ma réalité ». »
Comme Raïs, la présidente du Conseil municipal de Longueuil, Reine Bombo-Allara, née en RDC (Afrique), s’est déjà fait dire par un citoyen blanc que sa « peau et la sienne ça ne marchera jamais ».
« Je n’ai pas eu ce genre de situation et je suis de tout cœur avec mes confrères qui ont des expériences pas faciles », réagit Carla Pierre-Paul qui jongle entre son District-5, les affaires communautaires, les aînés, la commission de la culture et sport et les travaux publics.
Lors du dernier Recensement de l’environnement de Statistiques Canada, la ville de Saint-Jérôme est classée comme étant la ville la plus verte de tout le pays. Au total, 93,2 % du territoire de Saint-Jérôme est constitué de verdure urbaine.
« Venez nous voir à Saint-Jérôme ! Ça vaut la peine, cela permettra de confirmer certaines informations, certaines orientations », s’exclame la mairesse suppléante.